“Ever since photography freed it from the need to tell a story, painting has been closer and closer to poetry.”
Like poetry, Nature Morte Bol et Carte, painted by Georges Braque in 1920, proposes a new language, going beyond the simple opposition between figuration and abstraction. The work is built around symbols, correspondences and plastic rhymes.
Braque drew a few familiar elements from reality: a bowl, a map, what appeared to be a book and a lemon. These objects are not represented in a purely figurative way; they are reduced to their most evocative forms. As in the Bayeux tapestry, which the artist must have contemplated, the figures are simplified to better express their essence. For example, the playing card, which is supposed to lie flat, is shown from the front, while the bowl is seen from the back, revealing its container, its contents and the spoon resting on it. This approach does more than simply synthesise reality: it multiplies it. As Braque himself said of a similar still life: ‘What lies between the apple and the plate can also be painted. And my goodness, I find it just as difficult to paint the in-between as the thing itself. The artist further accentuates this deconstruction by pushing geometric fragmentation to the extreme, rendering certain elements almost unrecognisable. The colour palette, dominated by greys, ochres and browns, complicates the reading and guides the eye towards the interplay of shapes rather than the identification of objects.
Just as the composition seemed on the verge of tipping over into abstraction, Braque introduced inscriptions - words or fragments of words such as ‘CAFE’ - that anchored it in reality. This is where the work meets poetry: it rejects pure abstraction as much as traditional figuration, and introduces the sign as a new tool of representation. This is what is at stake in Synthetic Cubism, the ultimate stage of Cubism developed by Braque and Picasso. Heir to Analytical Cubism, where the deconstruction of forms sometimes led to total abstraction, this new period in the movement reintroduced markers, fragments of words, textures and visual clues that evoked reality in a different way.
In Nature Morte Bol et Carte, materiality is underlined by the grain of the canvas left visible in certain places, recalling the use of collage or imitation wood in other works by Braque. Like Picasso's Nature morte à la chaise cannée, the oval shape of the stretcher further anchors the work in the tangible reality of still life.
This painting is not content to represent the visible: it seeks to translate the immaterial, the imperceptible, even the sacred. In this, it responds to Braque's profound ambition:
“The true materialist, the more he descends into matter, the more he exalts spirituality.”
« Depuis que la photographie l’a libérée du besoin de raconter une histoire, la peinture est de plus en plus proche de la poésie. »
A l’image de la poésie, Nature Morte Bol et Carte, réalisée par Georges Braque en 1920, propose un langage nouveau, dépassant la simple opposition entre figuration et abstraction. L’œuvre se construit autour de symboles, de correspondances et de rimes plastiques.
Braque puise dans le réel quelques éléments familiers : un bol, une carte, ainsi que ce qui semble être un livre et un citron. Ces objets ne sont pas représentés de façon purement figurative ; ils sont réduits à leurs formes les plus évocatrices. Comme dans la tapisserie de Bayeux, que l’artiste a certainement contemplée, les figures sont simplifiées pour mieux exprimer leur essence. Ainsi, la carte à jouer, censée être posée à plat, est montrée de face, tandis que le bol est vue en contreplongée, révélant à la fois son contenant, son contenu et la cuillère qui y repose. Cette approche ne se contente pas de synthétiser la réalité : elle la démultiplie. Comme le disait Braque lui-même au sujet d’une nature morte comparable : « Ce qui est entre la pomme et l’assiette se peint aussi. Et ma foi, il me paraît aussi difficile de peindre l’entre-deux que la chose. » L’artiste accentue encore cette déconstruction en poussant la fragmentation géométrique à son paroxysme, rendant certains éléments presque méconnaissables. La palette chromatique, dominée par des gris, des ocres et des bruns, vient complexifier la lecture et guider le regard vers le jeu des formes plutôt que vers l’identification des objets.
Alors que la composition semble sur le point de basculer dans l’abstraction, Braque y introduit des inscriptions – des mots ou fragments de mots comme « CAFE » - qui lui restituent un ancrage dans le réel. C’est ici que l’œuvre rejoint la poésie : elle refuse l’abstraction pure autant que la figuration traditionnelle et introduit le signe comme un nouvel outil de représentation. C’est là tout l’enjeu du cubisme synthétique, stade ultime du cubisme élaboré par Braque et Picasso. Héritier du cubisme analytique, où la déconstruction des formes poussait parfois à l’abstraction totale, cette nouvelle période du mouvement réintroduit des repères, fragments de mots, textures, indices visuels qui évoquent le réel autrement.
Dans Nature Morte Bol et Carte, la matérialité est soulignée par le grain de la toile laissée visible à certains endroits, rappelant l’usage du collage ou de l’imitation du bois dans d’autres œuvres de Braque. A l’instar de la Nature morte à la chaise cannée de Picasso, la forme ovale du châssis ancre davantage encore l’œuvre dans la réalité tangible de la nature morte.
Cette peinture ne se contente pas de représenter la réalité visible : elle cherche à traduire l’immatériel, l’imperceptible, voire le sacré. En cela, elle répond à l’ambition profonde de Braque :
« Le vrai matérialiste, plus il descend dans la matière, plus il exalte la spiritualité. »