“I’m painting the snow”, replied the young Pierre Soulages in his childhood bedroom at 4, rue Combarel in Rodez, as he ran his brush of black ink over sheets of white paper and his sister asked him what he was painting. This decisive role of painting on paper and his ambition to create light from black already foreshadowed this work, which the artist produced in 2000 at the age of 81.
Although Soulages often said that he did not distinguish any hierarchy between the media and techniques he used, he also said that it was on paper that he had found his vocation as a painter. For him, paper was a special place for exercising his creativity, a space of freedom that allowed him to make gestures away from the canvas. Working on paper modified his physical posture: it was on this medium that Soulages began to paint on the ground, flat, a practice he would later adapt to his paintings on canvas. Since painting on paper does not allow for reconsideration, it is necessarily done quickly and spontaneously. It is born, he declares, of ‘a kind of impulse towards the original, the elemental’.
More than fifty years later, when Pierre Soulages produced this composition, he returned to painting on paper, which he had abandoned for some twenty years, and began a short production cycle, from 1999 to 2001, which reached an unprecedented culmination in his search for light. This work definitively embodies the disappearance of the ‘sign’: the bright strokes and contrasting lines are replaced by broad sheets of black, grey or brown, veiling the entire surface of the paper. When the water mixes with the brou de noix, subsequently fixed with a vinyl binder, the interwoven strokes of blacks, browns and transparencies give rise to an entirely different light. The airy fluidity of these vast brown fields, with blades as wide as the paper they cover, gives rise to uncontrollable areas of brilliance and a disconcerting instability of light. This luminous agitation is counterbalanced by two wide black bars at the top, which the opacity of the acrylic seems to render impenetrable. Yet the matte obscurity of these two solid bands introduces another kind of light: the vivid white horizontal breaks in the background between them, but also the brilliance of the paper, which shines through thanks to the scraping technique. This hieratic composition, without image or language, in which the importance of light has eclipsed that of the sign, seems to fulfil Soulages' wish to capture “that which escapes words, that which lies at the heart of the work”.

« Je peins la neige », répondait le jeune Pierre Soulages, dans sa chambre d’enfant du 4 de la rue Combarel à Rodez, lorsqu’il passait son pinceau d’encre noire sur des feuilles de papier blanc et que sa sœur l’interrogeait sur ce qu’il peignait. Ce rôle déterminant de la peinture sur papier et cette ambition de créer de la lumière à partir du noir préfiguraient déjà cette oeuvre, réalisée par l’artiste en 2000, à l’âge de 81 ans.
Si Soulages déclarait souvent qu’il n’établissait aucune hiérarchie entre les supports et les techniques qu’il utilisait, il précisait aussi que c’était sur le papier qu’il avait trouvé sa vocation de peintre. Le papier constitue pour lui un lieu particulier d’exercice de sa créativité, un espace de liberté, lui permettant notamment d’autres gestes que sur la toile. Le travail sur papier modifie sa posture physique : c’est sur ce support que Soulages commence à peindre au sol, à plat, pratique qu’il adaptera plus tard sur toile. La peinture sur papier, ne permettant pas le repentir, est nécessairement réalisée de manière rapide et spontanée. Elle naît ainsi, déclare-t-il, « d’une sorte d’élan vers l’originel ; l’élémentaire ».
Plus de cinquante ans plus tard, lorsque Pierre Soulages réalise cette composition, il reprend la peinture sur papier qu’il avait abandonnée pendant une vingtaine d’années et entame un court cycle de production, de 1999 à 2001, qui atteint un aboutissement inédit dans sa recherche de la lumière. Cette œuvre incarne définitivement la disparition du « signe » : aux touches vives et tracés contrastés, se substituent de larges nappes noires, grises ou brunes, qui voilent l’ensemble de la surface du papier. Lorsque l’eau se mêle aux brous de noix, désormais fixés par un liant vinylique, l’interpénétration aléatoire des noirs, bruns et transparences fait naître une toute autre lumière. La fluidité aérienne de ces vastes champs bruns aux lames aussi larges que le papier fait émerger du fond qu’elle recouvre des zones d’éclat incontrôlables et une déroutante instabilité de la lumière. Cette agitation lumineuse est contrebalancée par deux larges barres noires orthogonales en partie haute, que l’opacité de l’acrylique semble rendre impénétrables. Pourtant, l’obscurité matte de ces deux solides bandes introduit un autre type de lumière : les vives percées blanches horizontales du fond, entre elles, mais aussi l’éclat du papier, qui transparaît grâce à la technique du raclage. Cette composition hiératique, sans image ni langage, où l’importance de la lumière a éclipsé celle du signe, semble enfin exaucer le vœu de Soulages, celui de saisir « ce qui échappe aux mots, ce qui se trouve au plus obscur, au plus secret d’une peinture ».